En 2009, Gregory Buchakjian décide d’habiter symboliquement des maisons abandonnées. Ce geste consiste à retrouvrer des espaces desquels les habitants ont été expulsés par les guerres et par la spéculation immobilière. Il est aussi un re-enactment d’une séquence de Hamasat – Murmures, un documentaire de Maroun Bagdadi réalisé en 1980 qui relate les vies et les témoignages d’habitants d’un pays déchiré entre la guerre et l’espérance. Le film s’ouvre avec la poétesse Nadia Tuéni qui, accompagnée d’un photographe, arpente les ruines de la ville, en direction du rivage et prononce une litanie :

De 2009 à 2018, quarante personnes se prêtent au jeu malgré les risques encourus : mauvaises rencontres, accidents, bestioles, saleté. Cette pratique performative reprend le principe énoncé par la chercheuse Rebecca Schneider : la performance peut être engagée en tant que ce qui reste, plutôt que ce qui disparaît. Bien qu’il soit condamné à s’éteindre, le corps peut dans cette perspective être approché comme « une archive et héberger une mémoire collective ».